Hélène Darroze

Restaurant étoilé Paris

Maintenant que voici la clôture venir, Pourrez-vous, Hélène, en vos lacs me tenir, La raison m’en éloigne mais votre rigeur dure, Puis il faut que mon goût obéisse à nature. Ces quelques vers de Ronsard ( très) revisités traduisent bien notre état d’esprit à la sortie de ce déjeuner. C’était bon, c’était joli, plutôt charmant même. Et là se situe tout le nœud du problème. Car ça n’était pas hyper ébouriffant ni hyper inoubliable. Il n’y a eu aucune faute ( sauf le vin, pas superbement choisi ). Tout était bien exécuté, d’un bout à l’autre. De l’accueil au discours des serveurs, en passant par l’accord des mets dans notre assiette. C’était bien. Mais voilà, chez les grands chefs, même pour un menu déjeuner, on s’attend à plus.

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Une assiette de tapas, suivie de deux desserts et accompagnée d’un verre de vin. Après avoir demandé les prix, car notre détonant serveur nous sort son petit speech bien appris, et on n’entrevoit guère de différences entre les deux menus. Sauf qu’il y en a un à 35 euros et l’autre à…bien bien plus de 35 euros. Il peut toujours prendre son air faussement surpris et bien appris de « Comment, vous voulez les prix ? », la note à la fin ce n’est pas pour lui mais bien pour nous. On nous apporte donc notre succession de tapas : un plateau en plastique épais orange et blanc, tirant dangereusement vers le concept du plat pour bébé. Bon, on se dit pourquoi pas.

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Les serveurs sont toujours un peu coincés dans ce genre d’endroit. Crispés sur les mots qu’on leur a appris à déverser, ils sont un peu difficiles à dérider. Notre serveur du jour, « Maître Nasser » comme il se faisait appeler, nous a juste fait mourir de rire. A couvert, bien entendu, puisque lui arracher un sourire (naturel) n’était pas au programme. Du moins à son programme. Qui se résumait à nous projeter sur le plateau de Question pour un Champion. « Je suis un poisson fraichement cuit, recouvert d’un espuma de citron et de légumes croquants : je suis… »  Tout ceci récité à quinze mots par seconde. On en était presque à poser les mains sur un buzzer imaginaire et à dire « je prends la main ».

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Et il se met véritablement dans la peau du poisson. Mais pas seulement. Il nous assomme de : « je serai suivi d’un consommé de pommes de terres, et de calamars pimentés frits. Je suis donc composé de 2 poissons, d’une viande, d’une crème à l’avocat, de quelques fritures, et je m’accompagne à merveille de sauce persillée  » Ça y est, le voilà qui se prend pour le plateau de tapas en entier. Non mais on se demande jusqu’où il va aller.

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Enfin il était plutôt rigolo sans le vouloir. Même si son discours typé poème appris par cœur mal récité était un poil irritant. Si encore il avait mis la bonne intonation ! Il entame la même sérénade pour le dessert. Il se présente donc cette fois-ci comme un crumble à l’ananas recouvert de glace à l’huile d’olive ( brrr ça lui donne un frisson ), accompagné d’une crème au praliné surmontée de glace au café. Résultat, c’est bon, sans aucune faute, mais pas inoubliable. La glace à l’huile d’olive était par contre super intéressante.

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On termine avec un café à 6 euros (hic) , qui me révolte comme il se doit. Faute de débutant, on saura qu’il faut s’en tenir au menu, et voilà. C’était tout de même super bon, on ressort content mais un peu déçu du manque d’enthousiasme global dégagé par les plats. Surtout on laisse Maître Nasser à ses réflexions, qui doit se demander s’il sera vêtu au prochain service d’un déshabillé de pommes de terres ou d’une mousse de verveine. La cuisine, malgré mes critiques appuyées, reste fine et distinguée. On ne fait aucune erreur à aller chez Hélène Darroze, c’est bien évident. Le déjeuner me laisse finalement un agréable souvenir, partagé mais persistant, Sinon pour tout jamais, au moins pour un longtemps.

Hélène Darroze, le Salon d’Hélène , 4 rue d’Assas, 75006 Paris

L’addition : menu déjeuner= plateau de 7 tapas + 2 desserts + 1 verre de vin = 35 euros

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